vendredi 6 décembre 2013

Voyageuse de nuit

Encore un écrit de J:

"C'est une rivière où coule, douce et brûlante
La pâle lueur de la lune, âpre et glacée

Sur la berge noire, drapée dans sa mante
Se tient, debout, muette, du monde lassée
Une voyageuse, silhouette découpée
Sur les sombres, trop vastes ombres de la nuit.

De quoi, vierge taciturne, es-tu occupée ?
Dans tes yeux de jais on voit la peur, toi qui fuis
Non pas les hommes bavards, non pas les dieux sourds
Mais ta haine, ô fière fille des Danaïdes !

C'est qu'un matin d'avril, un cavalier, cœur lourd,
Est venu à tes pieds, victime d'autres Ides
Respirer le parfum de ta beauté, expirer
Lui que tu aurais pu aimer, vierge farouche !

Lui qui, sans une parole, t'a inspiré
L'amour, l'espoir, la vie, puis dans l'herbe se couche
Fauché, fleur malade, par les vents du printemps
Trop doux, trop beau, paisible souffle du Levant.

Larmes du dernier rivage – il n'était plus temps.
Ici, stoïque vierge, âme calme, rêvant
Au bonheur avorté, aux tendresses effleurées,
Je vois – les miroirs de ton âme sont noircis -

La tourmente ravager, le feu affleurer.
Paix, résolution – qu'il en soit ainsi !
Ta silhouette, jonc rompu par la douleur
Tendue, s'incline dans la diaphane lueur.

Tu ne frémis pas, désormais sans vie ni chaleur ;
Dans ta fureur, tu ne ressens nulle terreur.
Un voile, un instant, entre ciel et terre
L'eau jaillit, t'accueille, compatissante mère.



À l'aube, à l'heure où, gai, chante le rossignol,
Coule la rivière, joyeuse, un peu folle,
Limpide. Ici, dans un remous, sous un rocher,
L'écume prend des teintes rougeâtres, pourpres."

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