S'il
faut pour l'artiste, dans cet élan, mourir et, à genoux peut-être,
errer dans la vaste plaine blanche, usant son âme sur le sol,
multipliant les accrocs sur les épines dardées de la mélancolie,
alors soit ! Qu'importe, si dans ce calvaire morne et long, et
dans le cri nouveau, naïf, des anges perdus là-bas, dans la brume,
il peut y avoir, entre ciel et terre, un instant arraché au fleuve,
un morceau d'éternité, un défi comme un gant jeté à la mort,
seconde, fraction suspendue, temps hésitant,
victoire et extase, refuge d'orgueil – être et avoir senti qu'on
est, fût-ce hors de soi, puisque les eaux du Styx reculent devant le
pied mutin, finement cambré, d'une Muse -, miracle de la beauté
jetée comme un pont par delà les néants, au delà même des hommes
et des Dieux.
Paroles,
et les mots toujours semblables à ce brouillard qui fuira dans
l'aube du dernier jour, chassé par le vent du dernier matin ;
monte le soleil, et étonnement, les terres encore, scintillantes de
givre, diamants parsemés sur l'herbe pâle, collier éphémère des
vivantes étendues – mais celles-ci ne
sont pas vivantes, parure immortelle
(gelé est le fleuve, point de printemps dans le crépuscule éternel
du dernier jour).
Avant
cela, enfant, la Vie. Et, qui
sait, peut-être, que ce soit dans les vapeurs trop fétides des
marécages, dans les champs irradiés de varech ou sur les hauts pics
des gratteurs de ciel, encore quelques-uns – des mots autres, plus
sincères et plus vrais, frissonnant sous la brise, corolles de
craintes et d'espoirs jamais connus, jamais vus, renaissances -,
espère-le !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire