samedi 24 mai 2014

Feuilles

Feuilles qui s'envolent
En essaims désordonnés
Vers où allez-vous ?
Quel mouvement vous aspire ?

Je vous le demande,
Mais vous restez bien muettes
Bien au chaud, au secret,
Vous m'ignorez royalement.

Feuilles qui volez
Vers le ciel, ou la mer
Me prendriez vous avec,
À l'arrière, en queue de caravane ?

Me porteriez-vous, vers l'horizon ?
Vers son jaune, son orange, son outremer,
Et où vous semblez trouver le repos.
C'est ce que je cherche, m'aiderez-vous ?

Le masque

Masque qui me regarde,
Sois sur tes gardes.
Tu pourrais bien tomber,
réduit à la tombe et au pourri.

Masque qui me regarde,
Que me veux-tu ?
Que veulent dire ces yeux,
Ces yeux vides et ce sourire béat.

Masque qui me regarde,
Qui caches-tu ?
Ennemi ou ami ?
Meurtre ou accolade ?

Masque qui me cache
Rappelle moi ce que tu fais
Sur mon visage, sur ma fierté.
Saute de là, que je me dévoile.

Masque qui m'a révélé
Comment as tu pu m'abandonner
Moi qui me blottissait dans tes rides
Moi qui suis maintenant dénudé.

Masque toujours là
Tu sembles immortel.
Car tout le monde te demande
Et à chacun, tu réponds présent.

La guerre

Les bombes tombent sur mon toit.
Je suis réfugié dans une guerre,
À laquelle personne ne pense.
Régulièrement, les nuages nous attaquent.

D'abord, c'est la prière.
Ils flottent dans l'air,
L'air insouciant - mais très vite
Ils se gonflent, se grisent, s'abattent !

Alors, c'est le grand assaut.
Les soldats en gouttes
Sautent les une après les autres
Vers le sol qui les recueille.

Avec le vent, avec la foudre
Ils forment des alliances sournoises
Terrifient petits et grands
En sonnant leurs orages.

Mais jamais à ce jour,
Les innombrables tempêtes n'ont réussi
À percer ne serait-ce qu'un trou
Dans notre coquille vide.

vendredi 23 mai 2014

Visages

Quand le foule se disperse,
Il ne reste que des visages.
Des visages familiers, éparses
Mon seul et unique paysage.

Ils me regardent avec leurs yeux,
Leurs yeux si animés
Immenses et bleus
Prêts à m'engouffrer.

Ce n'est que quand la machine
Repart de plus belle,
Qu'ils bougent et s'animent,
Me les rendant tenables.

Alors, je peux bouger aussi,
Oublier leurs pupilles percantes
Et replonger dans les vagues
Qui les avaient échouées.

Bouquet

Une fleur de compassion,
Pour les instants qui nous échappent,
Évadés de nos griffes trop avides
Vers un monde sans horloges.

Une fleur de larmes,
Pour nos mots intraduisibles,
Qui se perdent dans nos esprits
Comme un renard dans un poulailler.

Une fleur banale,
Pour nos jours similaires
Reflets estompés
De nos défaites d'hier.

Une fleur d'amertume,
Pour les jours que nous ne vivrons pas,
Qui se passeront de réalité
Pour s'écouler tranquillement.

Une fleur menaçante,
Pour les cris qui nous opposent,
l'un et l'autre, de chaque coté
D'une grande barrière d'épines, infranchissables.

Une fleur pourrie,
Pour les poisons qui nous rongent,
Morceau après morceau,
Qui attaquent notre chair, hier encore vierge

Une fleur de nostalgie,
Pour les tableaux du passé
Qui décrivent mieux que personne
Les scènes simultanés de notre pièce.

Une fleur de nudité,
Pour ces fleurs envolés
Dans un nuage de caresses
Et dans un soupçon de violence.

Une fleur que je tend,
A toutes les mains meurtries
Qui se tendent avides
Vers la mienne, un peu trop irréelle

Une fleur de sang,
Pour les caniveaux qui se remplissent
De bile, de tripes et de gens
Et pour ceux qui s'y refusent.

Une fleur encore endormie,
Pour nos désastres à venir,
Pour nos erreurs en gestation,
Pour nos orages en suspension

Une fleur qui se transforme
En fruit bien juteux
Dans lequel nous croquerons
À pleines dents, si le soleil le veut.

Une fleur mécanique
Pour ces cœurs qui tiquent
Dans mains, dans nos crânes
Et qui hissent nos âmes

Une fleur de labeur
Pour les muscles tendus
Qui trainent les charrues
Et fécondent la terre.

Une fleur d'étoile
Pour toutes celles qui nous observent
Bienveillantes mais froides
Accrochés au drap bleu du sommeil

Une fleur rancœur
Pour les coups retenus
Pour les vérités assommées
Et les vies dépolies.

Une fleur de verre
Pour tout ce qui est fragile
Qui se brise en un chant céleste
Et disparait en poussière d'ange

Une fleur de sueur
Pour les routes sous le soleil
Brulées par les fous
Assoiffés de papier.

Une fleur absente,
Pour le créateur qu'on renie
Qui s'abrite dans le silence
Et nous tourne le dos

Une fleur d'étreinte
Pour ceux qui attendent
Le déluge des flammes
Et le renouveaux des hommes

Une fleur attentive,
Pour les prêcheurs dans le vide
Qui s'épuisent face au mur
Dont les flammes vacillent.

Une fleur d'épines
Pour tout ceux qui voudrait la cueillir
Assoiffés de sa sève,
Écoulés le long des foules.

Enfin, une fleur qui me sourit
Au milieu de ce laid buisson.
J'y vois nos visages,
Et bientôt je ne vois plus qu'elle.