samedi 8 février 2014

Le Tombeau d'Arya, II (Anathème)



Le Tombeau d'Arya, II (Anathème)



I

Pourquoi, pourquoi m'avoir jeté dans ton fleuve
Dont les gouttes sont nos fugaces jours en armes,
Où roulent les siècles par vagues de larmes ?
Réponds – est-ce là de notre destin l'épreuve ?

Je croyais que le frémissement de son cœur
Était le souffle calme et indolent du monde !
Que pour mirer son visage seule coulait l'onde
Qu'elle régnait sur les êtres frappés de stupeur

Que sur elle glissaient jusqu'aux lourdes Heures
Je croyais que son rire donnait à la nature
La note du bois, du frêne la fine stature !
Il ne bat plus, elle ne rit plus – mais, ô douleur !

Ton ciel n'étale pas moins d'azur en son été
L'horloge frappe encore ses heures moroses
Comme si les siècles ne devaient pas s'arrêter
Lorsque ses paupières se sont à jamais closes !


II

À genoux sur sa tombe, inconsolable je pleure
Et pourtant autour de moi insouciantes les fleurs
Exhalent encore des mots d'amour et de joie
Ton aurore n'étend pas moins ses orbes de soie !

Ne jettes-tu parmi nous pareilles splendeurs
Que pour en ôter quelque jour les couleurs,
Que pour qu'un soir nos cœurs se pâment ?
Qu'as-tu fait, ô Seigneur, de sa grande et belle âme ?

Dis-moi, au moins, qu'elle en a une !.. qu'elle survit !
Que je n'oublierai pas mon rêve à la nuit,
Ni l'éclat de ses yeux dorés de merveilles
Qu'elle n'est pas ce songe que fuit l'éveil !

L'oiseau ne s'envole-t-il pas vers d'autres cieux
Que pour y aller chercher la flamme de ses yeux ?
Les sommeils seraient-ils sinon, furieuses fièvres,
Pour y pouvoir rêver les astres de ses lèvres ?


III

À quoi bon – à quoi bon le souffle de la brise
S'il n'affole plus tes mille mèches rebelles ?
À quoi bon – à quoi bon la nuit qui s'irise
S'il n'y a plus tes baisers pour la faire immortelle ?

Encore, sur la berge de notre lac, chante
Le rossignol qui – t'en souvient-il, mon amante ? -
Égayait nos nuits de ses romances oubliées
Tandis que fuyaient nos vies que nous croyions liées !

Le sauras-tu ? Loin de ton sourire tes roses
Fleurissent encore ! Indolentes, elles éclosent
Lors même que tu t'en es à jamais allée,
Lors même que tu t'es vers d'autres cieux envolée !

Ce n'est que dans les jardins fanés de mon âme
Que germe le népenthès et que se pâme
La ciguë fatale, entre les tombes de mes rêves
Que devant ton souvenir ma mort se lève !


IV

À ton noir archange, Seigneur,
Compte un grand vol ! Sous son aile
Il y a place pour moi et elle !
Emporte-moi dans ma douleur !

Ne laisse pas du temps les vagues
Mille fois retourner la dague
En un cœur qui ne frémit plus
De son souvenir – mon salut !

Jusqu'à ce qu'un jour triste et noir
Ses traits se perdent en ma mémoire
Jusqu'à ce qu'il ne me reste rien
Que les brumes d'un songe aërien !


V

Océan du temps qui efface son visage,
Ton secret est-il de n'avoir nul rivage ?
Quoi !.. faudra-t-il donc qu'éternellement je sombre,
Qu'à jamais me hante son absence et son ombre ?

Es-Tu ? Nulle part ne s'embrase Ta flamme !
Ton ciel, Ton regard, est si paisible et si calme !

Va-t'en lors – son souvenir sera mon seul dieu -
Et je n'expirerai que pour monter à ses cieux !
Plus que toi, je l'ai faite irréelle immortelle
Et ta lumière n'a pas le feu de ses prunelles !





Jérôme, 8 décembre 2013.

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