Le
Tombeau d'Arya, II (Anathème)
I
Pourquoi,
pourquoi m'avoir jeté dans ton fleuve
Dont
les gouttes sont nos fugaces jours en armes,
Où
roulent les siècles par vagues de larmes ?
Réponds
– est-ce là de notre destin l'épreuve ?
Je
croyais que le frémissement de son cœur
Était
le souffle calme et indolent du monde !
Que
pour mirer son visage seule coulait l'onde
Qu'elle
régnait sur les êtres frappés de stupeur
Que
sur elle glissaient jusqu'aux lourdes Heures
Je
croyais que son rire donnait à la nature
La
note du bois, du frêne la fine stature !
Il
ne bat plus, elle ne rit plus – mais, ô douleur !
Ton
ciel n'étale pas moins d'azur en son été
L'horloge
frappe encore ses heures moroses
Comme
si les siècles ne devaient pas s'arrêter
Lorsque
ses paupières se sont à jamais closes !
II
À
genoux sur sa tombe, inconsolable je pleure
Et
pourtant autour de moi insouciantes les fleurs
Exhalent
encore des mots d'amour et de joie
Ton
aurore n'étend pas moins ses orbes de soie !
Ne
jettes-tu parmi nous pareilles splendeurs
Que
pour en ôter quelque jour les couleurs,
Que
pour qu'un soir nos cœurs se pâment ?
Qu'as-tu
fait, ô Seigneur, de sa grande et belle âme ?
Dis-moi,
au moins, qu'elle en a une !.. qu'elle survit !
Que
je n'oublierai pas mon rêve à la nuit,
Ni
l'éclat de ses yeux dorés de merveilles
Qu'elle
n'est pas ce songe que fuit l'éveil !
L'oiseau
ne s'envole-t-il pas vers d'autres cieux
Que
pour y aller chercher la flamme de ses yeux ?
Les
sommeils seraient-ils sinon, furieuses fièvres,
Pour
y pouvoir rêver les astres de ses lèvres ?
III
À
quoi bon – à quoi bon le souffle de la brise
S'il
n'affole plus tes mille mèches rebelles ?
À
quoi bon – à quoi bon la nuit qui s'irise
S'il
n'y a plus tes baisers pour la faire immortelle ?
Encore,
sur la berge de notre lac, chante
Le
rossignol qui – t'en souvient-il, mon amante ? -
Égayait
nos nuits de ses romances oubliées
Tandis
que fuyaient nos vies que nous croyions liées !
Le
sauras-tu ? Loin de ton sourire tes roses
Fleurissent
encore ! Indolentes, elles éclosent
Lors
même que tu t'en es à jamais allée,
Lors
même que tu t'es vers d'autres cieux envolée !
Ce
n'est que dans les jardins fanés de mon âme
Que
germe le népenthès et que se pâme
La
ciguë fatale, entre les tombes de mes rêves
Que
devant ton souvenir ma mort se lève !
IV
À
ton noir archange, Seigneur,
Compte
un grand vol ! Sous son aile
Il
y a place pour moi et elle !
Emporte-moi
dans ma douleur !
Ne
laisse pas du temps les vagues
Mille
fois retourner la dague
En
un cœur qui ne frémit plus
De
son souvenir – mon salut !
Jusqu'à
ce qu'un jour triste et noir
Ses
traits se perdent en ma mémoire
Jusqu'à
ce qu'il ne me reste rien
Que
les brumes d'un songe aërien !
V
Océan
du temps qui efface son visage,
Ton
secret est-il de n'avoir nul rivage ?
Quoi !..
faudra-t-il donc qu'éternellement je sombre,
Qu'à
jamais me hante son absence et son ombre ?
Es-Tu ?
Nulle part ne s'embrase Ta flamme !
Ton
ciel, Ton regard, est si paisible et si calme !
Va-t'en
lors – son souvenir sera mon seul dieu -
Et
je n'expirerai que pour monter à ses cieux !
Plus
que toi, je l'ai faite irréelle immortelle
Et
ta lumière n'a pas le feu de ses prunelles !
Jérôme,
8 décembre 2013.
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